Voici un nouveau duo avec un nouveau partenaire, Yann...
-o-
Place du Tertre
Petite artiste sais-tu que tu es belle?
Tu peins, tu planes, tu ne vois personne.
Je suis resté des heures sur la place.
J'ai mis des pièces dans l’assiette devant toi.
Tu m'as écouté un instant sans m'écouter.
Tu as ri en regardant ma pièce toute seule dans ton assiette.
J'avais envie de toi, pas toi.
Petite artiste je te voulais mienne. Tu es partie en me souriant, ton matériel sous ton bras.
Juste un signe plus loin amicalement tu as disparu.
Alors je reviendrai demain…
Crachin
…Demain. Il pleuvra. Un vilain crachin gris qui rend le cheveu mou et met l’âme en
berne.
Dehors, je ne pourrai peindre.
J’irai m’asseoir au fond du petit bistrot enfumé, devant un café.
Noir.
J’aurai les yeux mouillés quand tu arriveras.
Tu me souriras. Eclair.
Il pleuvra encore.
Je dessinerai ton portrait sur la nappe en papier.
Nous boirons des cafés, encore.
Noirs.
Reste là.
Parle moi.
Reste là.
Parle moi de ce que tu me donneras.
Je suis déjà à toi.
Il ne pleut presque plus.
Le café des artistes.
Bien sûr, je le connais ce petit bistrot.
J'en ai tué, là, des heures vides qui n'en finissaient plus de finir.
Alors, bien, je viendrai te voir.
Sûr.
La pluie?
Qu'importe!
A moi, elle me plait bien cette pluie parce que tu seras moins occupée à peindre, à planer, à t'occuper de tes pinceaux.
Ceux là ont bien de la chance.
Ainsi quelques instants juste un peu tes minutes accompagneront les miennes.
Elles se joindront.
Un bout de vie commune, quoi.
Ce que je te dirai?
Ce que je te donnerai?
Je ne sais pas encore.
Juste l'occasion de me croquer vite fait et pendant que ton crayon crayonnera, je tacherai de faire en sorte que tes yeux ne mouillent
plus.
Maintenant
…Je sais moi, ce que tu me donneras.
Tu me le donnes déjà.
Je reçois ton cadeau en pleine face. Si fort !
Il se noie en mon œil.
Tu ne peux le retenir. Alors je prends tout.
Tout.
Il est ce paysage peuplé de découvertes, de silences, et soudain de mille et une
questions.
Il est ce paysage, attentif, à l’affût, écoutant, intérieur, et puis s’agitant, volubile,
rieur.
Il est ce paysage qui donne, qui se donne.
Il est ce paysage, celui de ta main qui déchire ce mauvais portrait de toi, le froisse et l’enferme dans la
mienne.
Il est ton paysage.
Et il est déjà mien.
Maintenant.
Surtout ne parle pas.
Ma voix n'est pas belle.
Elle ne sonne pas comme d'autres qui, à coup sûr, font chavirer le coeur des filles.
Moi, j'aime les silences comme toi.
Je ne trouve rien à te dire rien de suffisamment intéressant tant ta présence, de l'autre côté de cette petite table, rayonne de
lumière.
Une lumière qui me plait à moi.
Jaune, orangée... belle, quoi.
Seulement, il me semble que tu ne la vois pas cette lumière.
Alors je serai comme un miroir silencieux chaleureux.
Petite artiste tu as posé tes couleurs et tes yeux plongent au coeur des miens pour en extraire la teinte qui te
manque.
Emmène-moi…
Ton silence frémit en moi, plein de couleurs.
Mon Dieu ce qu’il est proche !
Mais ton corps est si loin…
Sa couleur m’attire, me capte. Il faut que je fasse quelque chose. Je ne peux rester là. Je voudrai m’y noyer,
ne plus savoir nager. Le vertige me gagne.
Alors je plonge. Je jette mon cœur, en premier.
Mon corps suit de l’autre côté de la table. Ma bouche aussi. Vite.
Elle y trouve le bonheur. La tienne. Un goût de café, de croissants, de petits déjeuners amoureux, de grasses
matinées. Un goût de petit jour.
Un goût de grand jour, aussi.
On se frotte les joues. On se mord. On se mange. On se suce.
Emmène moi…
Le Temps s'arrête.
Alors, il faudra que tout cela dure longtemps.
Très longtemps.
Et pour te retenir encore par dessus la table une de mes mains sur ta nuque te ramène vers moi.
Te serre sur moi, pousse ta bouche contre la mienne.
Tu es chaude, douce.
Tes lèvres frissonnent.
Tu as froid?
J'ouvre mes yeux et vois les tiens encore aveugles.
Je profite de ce moment où tu te perds en moi pour te regarder longuement.
Jamais je n'aurais osé tout à l'heure.
La table entre nous est petite mais trop grande encore.
Nos visages tout prêts se rencontrent, se parlent, se chuchotent, se souhaitent un autre ailleurs plus entre
nous.
Ce café des artistes place du Tertre prendra dorénavant pour moi une tout autre signification.
La nuit est tranquille,
Tiens, il ne pleut plus!
Alors, je te prends le bras et, comme deux amoureux, nous glissons furtivement sur le pavé encore mouillé au coeur de la vieille
ville...
Surtout, surtout
Au cœur de la vieille ville, je glisse.
Je glisse vers toi. Je glisse en toi. Je remplis tes bras.
Ma peau se colore de tes doigts qui me cherchent sous mes vêtements.
Ils la trouvent.
Je suis bien, le visage enfoui dans ton odeur. Tu es devenu mon homme.
Surtout, surtout, qu’aucun espace ne nous sépare !
On se colle. On se verrouille. On se phagocyte. On se frotte. On se donne envie.
On a envie.
Elle, je la sens grandissante, durcissante. Belle.
Tu me pousses, presque violemment. Tu m’appuies là, contre le mur. Tu t’appuies sur moi et tu me manges. Je
suis ta nourriture.
Et j’aime ça. Oui, j’aime ça.
Surtout, surtout, n’arrête pas.
Petite impatiente
Tu trembles.
Tu t'impatientes.
Tu deviens une petite folle.
Une petite artiste folle qui glisse sur moi, s'enroule, se calque, se colle, m'enveloppe, se love.
Tu ne cesses de parler, de chuchoter.
Je ne sais quoi.
Je ne cherche pas à comprendre ce que tu veux me dire.
J'en ai parfaitement compris le sens!
Tu prends ma main et la pose fermement sous ta jupe de toile.
Tu veux. Tu ordonnes. Tu ne me quittes plus des yeux.
Et là, à cet instant, j'ai vraiment envie de te laisser faire.
Est-ce un jeu?
Il fait bon, ce soir.
Doux.
La petite encoignure où je t'ai entraînée est calme et sombre.
Tranquille.
Mais toi tu gesticules, piaffes, ne tiens plus en place impatiente de me goûter.
Tu es contre moi.
Tu m'étouffes même tant ton désir de te donner à moi est sans condition.
Tu danses une gigue infernale pour aider mon geste bien trop lent pour toi qui te déshabille.
Trop impatiente, petite!
Je souris de te voir faire.
Tu me plais à t'affoler ainsi de ces petits gestes qui te feront bientôt gémir.
Ma main glisse sur ta cuisse que je devine.
Et soudain, d'une poussée en avant de tes reins tu poses ta toison humide sur mes doigts qui s'y agrippent
instinctivement.
Ma reconnaissance
Oui, je le reconnais : c’est moi qui me suis posée sur ta main, enfin presque…
Je suis pleine, pleine de reconnaissance.
Pourtant je ne me reconnais pas.
On ne se connaît pas. Ou si peu.
Tu vas me prendre. Me prendre pour ce que je ne suis pas.
Pourquoi ? Pourquoi ?
Retenez moi, mon Dieu ! Empêchez moi de le désirer tant, de me laisser tant faire, et de le chercher
tant.
Je tangue. Je m’abandonne. Me réfugie sur toi. Oscille.
Tu réponds à ma danse. Tu parles mon langage. Tu le sais, le maîtrises même très bien.
Ta main dit ta caresse, celle que j’attendais, celle que j’attends, au mitan de mes jambes. Elle dit ton
velours, rouge, ta quête brutale, ton impatience, aussi. Elle dit l’homme. Elle dit l’orage de ta tête et celui de ton ventre. Elle prolonge ton regard qui dévore ma chatte. Elle dit ce que ta
bouche qui gobe la mienne ne peut plus dire. Elle me mange aussi.
Elle m’entraîne dans ton sillage. Je lui cours après.
Je ruisselle. Je bêle :
« Viens. Avec ce que tu veux. Je suis à toi… »
Mon Dieu, je ne me reconnais pas.
Trop tard
Mais c'est ce qui me plait en toi.
Tu te donnes à moi et te retires l'instant d'après.
Tu es comme la marée, qui vient me voir et disparaît en laissant quelques traces.
Ma main est trempée de ton désir et à l'instant où j'étais prêt à me servir,... hop!
Tu fuis par une porte secrète.
Porte dérobée cachée sous la lourde tenture rouge qui tapisse le fond de ton âme.
Ame qui n’a pas encore accepté ton don.
Mais non, petite artiste, tu ne m'échapperas pas.
Tu ne peux plus fuir.
Tu ne peux plus te sauver de toi même.
Trop tard!
Trop tard!
Car en fuyant tu t'arranges toujours, coquine, pour laisser traîner quelques sillages odoriférants afin d'être certaine que je te
perde pas.
Trop tard!
Viens donc.
Ton coeur bat...
Je ne viens pas. Je trébuche. Je tombe. Contre la porte. Contre ma porte. Contre moi.
Mais pourquoi courir? Et après quoi?
Ce que je veux est là, derrière moi, tout près.
Je sens ton souffle chaud précéder tes dents sur ma nuque.
Je sens tes mots, murmurés qui envahissent mon oreille comme un filet de miel : Ne dis rien,
laisse toi faire, sois à moi...
Je sens ta main qui rampe sur ma taille, décolle mes hanches de la porte et les porte vers
toi.
Je sens ton sexe raidi chercher des chemins entre mes fesses.
Je n'ai rien dit.
J'ai relevé ma jupe, posé mes mains sur le bois de la porte et cambré encore un peu plus mes reins vers
toi.
J'ai aimé.
Ton coeur battait contre mon épaule...
Maintenant
Ton dos, féline, se frotte contre ma poitrine.
Etonnante posture que tu as choisi de m'imposer.
Alors, ce sera comme tu le voudras.
J'en profiterai pour plonger mes narines au cœur même de l'écheveau de tes cheveux embrouillés sur ta nuque.
Tu me pousses encore contre le mur.
Un reste de rejet?
Non!
Presque plus.
Tu es calme.
Ton désir est évident et me procure déjà une grande jouissance.
Alors, c'est le moment.
Je saisis tes hanches, les dessine de mes mains ouvertes en palpe la texture, le rebondi, l'ombre, l'idée, le fantasme...la
folie.
Je remonte encore ta jupe et offre à la nuit la peau clair de ton ventre
Notre Nuit.
Comme si le Monde s'était évaporé.
Comme si nous étions devenus les seuls survivants d'un cataclysme primaire.
La Lune serait-elle attirée par tes formes féminines?
Hum!Je n'y crois guère.
En ce cas, sais-tu que j'en serais malade de jalousie?
Toi-même tu as ôté toute forme d'obstacle à mes approches.
Seraient-ils même de haute couture que tes dessous ne pèseraient rien face à ce que tu veux m'offrir: ton corps nu.
Ce corps nu qui ne t'appartient déjà plus.
Vivre !
A qui suis-je d’ailleurs ?
Je suis à cette nuit, à cette porte qui s’ouvre.
Je suis à cette table où tu me couches tendrement.
Je suis à tes bras qui me serrent et m’écartent déjà.
Je suis à ta bouche sur mon sexe.
Je suis à ta langue qui m’enveloppe et m’offre ton cadeau.
Je suis liquide, torrent.
Je suis lait, miel, suintants sur tes lèvres.
Je suis cris, convulsion, spasme.
Je suis mes reins creusés vers le plaisir.
Je suis morte de mon envie.
Je suis morte de mon envie de toi.
Donne moi ta vie. Et fais moi vivre.
Fais moi vivre…
Et fais toi vivre !
En moi.
Tu es à moi.
Je ne peux détacher mon regard de ton corps nu sur la table. Couchée, écartelée.
Une offrande de toi même à mes yeux sidérés.
Ma bouche, mes lèvres ne se lasseront jamais de te découvrir.
Ton odeur, ta chaleur, tes flux s’expriment si délicieusement, si largement, si copieusement par toutes tes ouvertures, que je
perçois même les soubresauts de ton désir qui attend.
Ton impatience est là, palpitante, dégoulinante, gorgée de sucs. J’en ferai mon plat favori.
Alors, je vais répondre à ton attente et te ferai crier d’abord. En plongeant ma bouche au cœur même de ta plaie ouverte, béante,
poisseuse. Je trouverai le nœud sensible, le point névralgique et en userait jusqu’à faire naître de tes entrailles de puissants gémissements.
La Peinture…
La galerie est noire de monde.
Je viens vers toi entre les murs remplis de nous.
A droite, moi par toi.
A gauche, toi par moi.
Nous en avons passé des nuits sur cette table ensemble. Nous en avons passé des nuits et puis des jours sur
cette table, accrochés l’un à l’autre par toutes nos protubérances, fascinant nos regards jusqu’à l’extase.
Je t’y ai aimé.
Je t’y aime, mon amour quand au petit matin ton corps assouvi appelle mon regard et que mes pinceaux ne se
lassent pas d’en caresser l’image naissante sur ma toile tendue.
Je viens vers toi, là, ce soir. Je vis en toi. Tu m’as tant peinte aussi. Tu m’as fait
naître.
Une part de nos mystères s’étale sur les murs blancs. Nous nous retrouvons face à face dans cette belle
salle. Et pourtant j’ai encore besoin de toi ce soir. Peut-être plus que jamais.
Ma main aime la tienne. Mon corps est gémissant. Encore.
J’ai besoin de peindre…
On rentre ?
Copyright © Yann
Copyright © Arthémisia
Illustration : photo du film de Peter GRENNAWAY – The Pillow Book