671 - Le Voleur
La dernière consigne de Juliette sur Papier Libre
était de faire un portrait
...
Il arrive de l'algue, de l'écume, du voyage, laissant ses longues phalanges puissamment haubanées, s'échapper du silence
de sa chemise immaculée, comme un dimanche. Il sourit, frontalement, et c'est l'océan qui sourit. Il a volé ses yeux à la vague, sa caresse au poisson, son filet au
pêcheur.
Il est fils de Pontos.
Il a volé sa voix au ciseau de Rodin, au fracas de l'éclatement. Il dit en creusant des carrières, en sculptant du Paros. Et puis, il se repose en partant sur le souffle embrumé d'un tabac, d'une plante d'au-delà.
Car autour de lui, pousse une forêt, une jungle chaotique, un amazonien fourre-tout de mousses, de lichens, d'orchidées anthropomorphes, de larges palmes, et de fleurs géantes qui attrapent le soleil. Il en a pillé la langueur des mangroves, la moiteur des matins d'après, l'essence des ivresses vertes.
Il sait le silence des solitudes peuplées et celle des déserts. Il y écoute l'air, et l'autre, y invente le berceau du
moment, celui qui ne dure pas pour éviter la mort.
Il ouvre rarement son cœur, au pied de biche, au
ventre de la biche, et le referme sur elle dans un rapt lent.
Il a volé le temps.
Copyright © Arthémisia – mai 2008