405 - Onirisme*
De nouveau le vertigineux silence de la nuit me
réveilla.
Il déployait son espace insidieux, son être d’infinitude, de la chambre
éteinte jusqu’aux plus intimes réceptacles de mon corps, le lestant d’autres images.
Perturbant la structure orthonormée de l’affreux plafond de
polystyrène, naquit une étrange picturalité verte. J’ai tout d’abord cru à l’arrivée d’un printemps. Mais son ton, bien qu’encore tendre, n’était pas assez cru : il s’y mêlait de façon quasi
imperceptible, des respirations scripturales s’appuyant sur des terres, des ors, des kakis, des bronzes, des Véronèse. Et la transparence de sa matière exprimait plutôt quelque fond de torrent
celte ou rhénan.
Y flottaient des Ophélie que je connaissais pas, des
Lorelei.
Je les rejoignis dans cette interzone que je pris pour tes
yeux.
Aujourd’hui j’ignore encore quel était cet objet souple et lisse qui me
frôla ? Une voile, un animal, une peau, glissa dans mon dos, sur mon ventre, déposant au passage les frémissants désirs de la caresse. Il s’arrêta, repris, insistant en va-et-vient sur
certaines zones en y abandonnant les empreintes de futurs possibles.
Il pleuvait. Il pleuvait une eau chaude et lourde qui ne cessait pas.
Mais cela avait peut être plus à voir avec les larmes sanglantes qui s’égouttent des flamboyants après l’orage en une Beauté brouillée de parfums chtoniens et
féminins...
Pourtant ma bouche entr’ouverte avait pour pensionnaire un insensé
encens dans lequel les indiens doivent tremper leurs mortels traits. A moins que ce ne fût celui des flèches des archanges qui terrassent les dragons.
Ce parfum n’était pas à proprement parlé désaltérant, mais, sa virile
présence emplissait mon palais d’une jouissance pétillante et explosive à la manière de milliers de minuscules petites bombes.
Je perdis pieds dans l’oreiller de feu. Il se recroquevilla sous mon
ventre et je fus sa coquille jusqu’au matin, nu et blanc.
Copyright © Arthémisia - juillet 2007
Illustration : Pierre BONNARD
- L'Indolente
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