Elle descend.
Elle tombe, lourdement, fluide épais et visqueux, fuel bleuté et métallique.
Sa couleur pourrait être froide mais sa consistance dit le contraire. Elle fraye avec la caresse.
Elle se tord autour de tous les objets, autour de toutes les images.
Elle entortille, emballe, lace de ses bras fluides et lisses, de ses jambes accortes, enrobe de ses sucs, enrubanne de ses étoffes sombres.
Tout est soudain cadeau, merveille orientale, Taj Mahal, mirage.
La pacotille déposée sans grâce sur la commode brille d’un éclat adamantin.
Les tissus amollis sur les tommettes en capturent honteusement les rougeurs provençales.
Les couvertures des livres se raidissent dans le cavagesque repère orthonormé de la bibliothèque et jouent un mikado d’ombres à la parade.
Gauche - droite ! Gauche - droite ! Rectifiez la position, braves petits soldats de papier…
Les nus suspendus au mur, s’incarnent en hauts reliefs chryséléphantins. Ils résistent inertes mais j’entends déjà leurs cœurs battrent. Je
ne cherche pas d’explication. Ils sont de ma chair.
Le rideau pacifique ne remue que d’un silence éteint et le drap crayeux prolonge ton corps endormi en vagues laiteuses sans écume. Où
nages tu ?
Les deux chaises 1900 se parlent-elles ? Seuls les ans le savent. Trouvées sur un trottoir, elles poursuivent leur duo secret
auquel je n’ai pas encore eu accès. Serai-je déshonorée si je vous dis que mon imagination rose leur invente des histoires d’Amour pas toujours romantiques ? Vous
m’avouerez : que pouvaient elles bien faire là où je les ai trouvées à part racoler?
Me voilà proxénète.
Ce soir, j’ai faim.
Les lèvres entr’ouvertes de la nuit me nourrissent.
D’une sérénité au bord de l’explosion.
Copyright © Arthémisia - juillet 2007
Illustration : Mark ROTHKO - Rouge, blanc et brun