1625 - Brève(s) de fin avril 2012
Interminable
est le chemin
qui mène
de nos questions
d'enfants
à nos réponses
de vieillards
@ La Méduse et le Renard
Interminable
est le chemin
qui mène
de nos questions
d'enfants
à nos réponses
de vieillards
@ La Méduse et le Renard
Elle
ours
drap blanc de la grand-mère
housse de couette
couette
polaire grise
polaire sans couleur
plaid matelassé turquoise
coussins.
Coussins
plaid matelassé turquoise
polaire sans couleur
polaire grise
couette
housse de couette
drap blanc de la grand-mère
ours
elle
froid.
© Arthémisia – avril 2012
Avec : Le Lit-fleur – Yayoi KUSAMA – Centre Pompidou - Paris
Elle s’était allongée sur le côté. Sa tête s’enfonçait dans l’oreiller.
Elle avait glissé sa main droite dans ce petit creux ménagé entre cou et plumes; il y restait juste la place pour que la gauche vienne souligner sa joue.
Elle dut attendre quelques minutes avant le chaud.
Mais ses pieds, croisés l’un sur l’autre, repliés sous ses cuisses, sentaient l’hiver. Elle pédala, superposa tous les coussins du lit, et s’endormit tant bien que mal sans avoir vraiment acquis la sensation du bien-être.
C’était encore avril.
© Arthémisia – 04/2012
Avec : Christian RENONCIAT – Coussin de bois - 1979
Et le froid monta dans son dos telle une plante grimpante.
Arrivé aux épaules il pesait tant qu’elle se courba sous la brûlure. Elle eut mal aux reins, à la nuque. Sa tête tomba sur le clavier.
Quand on la trouva, ses yeux fixaient encore l’écran vide.
© Arthémisia – 04/2012
Avec : Klaus PINTER – Le Cocon
Chapelle des Jésuites – Cambrai – juin 2011
Photo personnelle
Après les huit heures de cours de la journée, elle s’était glissée sous la couette. Il faisait de nouveau froid en cette fin avril et les élèves étaient de plus en plus indisciplinés. Les sortir visiter l’opéra avait été une pure folie.
Elle aurait pu dormir jusqu’au lendemain, mais elle fut réveillée par des coups épouvantables frappés contre la vitre ; un oiseau se trouvait pris au piège entre la fenêtre et les volets qu’elle avait juste écartés et coincés par l’espagnolette. Il se débattait frénétiquement dans cet espace étroit dans lequel il ne pouvait même pas déployer ses ailes, se cognant violemment, affolé, ne sachant plus où trouver la sortie.
Sa danse macabre dessinait des ombres frénétiques sur les murs de la chambre.
Elle ne savait quoi faire. Si elle ouvrait la fenêtre, il était évident que l’oiseau allait immédiatement pénétrer dans la pièce.
Elle se sauva lâchement dans le salon, en fermant la porte avec sureté, ne voulant surtout plus entendre les chocs du volatile contre la vitre. Elle espérait qu’il arriva seul à ressortir du piège où il était entré.
Quand elle revint dans la chambre après le dîner, l’oiseau reposait sur l’appui de la fenêtre, mort.
Elle poussa son corps dans le vide avec un journal qui traînait sur la table de nuit, et le vit, les ailes étrangement ouvertes, mais le ventre en l’air, atterrir sur le trottoir dans une position indécente.
Elle alluma son ordinateur et écrivit l’article numéro 1620 de son blog.
Où était l’indécence ?
© Arthémisia – 04-2012
Avec : Joan MIRO – Personnage et oiseau – 1973
Fondation MIRO - Barcelone
Je n’ai pas fait les courses.
Mon frigo ressemble à celui d’Arielle Dombasle ¹ : un yaourt périmé et une tomate vétuste.
Aujourd’hui j’ai juste réussi à ranger et nettoyer l’appartement. 60m², c’est vite fait.
Je devrais aller m’acheter des chaussures. J’ai porté cette paire tout l’hiver et le cordonnier m’a ri au nez quand je lui ai demandé s’il pouvait me les sauver.
Je devrais vraiment aller m’acheter des chaussures. Au moins deux paires. Mais je n’ai pas envie de me jeter dans les rues, d’affronter les gens qui avancent en face de moi et ne se décalent jamais quand nous nous croisons ; si je ne bouge pas, le choc est inévitable. Je ne veux pas de choc. Surtout pas aujourd’hui, et je n’ai pas envie que ce soit encore moi qui me décale.
Pourtant je devrais vraiment aller m’acheter des chaussures.
Et remplir le frigo.
Tu veux venir dîner ? On commandera des pizzas.
Ou bien on fera des sandwichs au chocolat.
¹ Evocation d’une photo affligeante parue dans un vieux Elle.
© Arthémisia – 04/2012
Avec : Marcel DUCHAMP - La Broyeuse à chocolat n°2
huile sur toile – 65 x 54 cm. The Philadelphia Museum of Art, Philadelphia