Elle ne savait plus combien de moutons l’avaient dévorée. Elle avait
bien essayé de les compter, mais même en s’y reprenant plusieurs fois, elle s’embrouillait et ils gagnaient toujours ; c’est pourtant drôlement con un mouton avec une couronne de
laurier.
Elle avait cru que l’écharpe qu’ils déposeraient autour de son cœur
serait de laine mais ils avaient tricoté un objet bien gris, bien enfumé, un objet des ténèbres : de la mémoire avec des barbelés.
Evidemment, il faut suivre. On n’en arrive pas là en une journée. Et
même que c’est pire…
Pourtant la folie orpheline, un jour de gruyère, je veux dire de trous
dans le gruyère, avait grimpé les petites rues étroites et sales qui mènent au bonheur. Oh, il était sans prétention, tout petit, mais là, fichetrement
là !
Il aurait même pu y avoir de la musique, mais ça n’était pas
l’heure, juste un peu trop tôt. Pourtant elle allait venir : c’était le lieu. Elle couvait. Ca se sentait.
Alors la folie avait enlevé son manteau et surtout son écharpe de ruine, et du bout de sa pensée, elle avait avancé vers la lumière.
On était en mars. Le 16, je crois.
© Arthémisia – mars 10
Avec : Moutons de
pierre – François-Xavier LALANNE
Epoxystone et
fonte d’aluminium – Fondation Pierre GIANNADA (Ch)