Qu’était-elle ? Elle ne le savait plus et ne le sait toujours pas. Cela n’a d’ailleurs plus vraiment d’importance.
Elle s’était d’abord sentie s’enfoncer dans le fauteuil, aspirée lentement dans une faille sous sa chair, rentrée de façon incontrôlable dans ce mou engloutissant, mais aussi rassurant, qui se refermait de plus en plus sur elle, ce sable, cette terre, cet immense ventre qui la réchauffait et repoussait au loin les questions.
C’est seulement là que son corps a commencé à perdre son importance ; il ne disparut pas mais fut oublié, pour quelques temps.
Sa main gauche prit son envol, décolla du fauteuil, suspendue à des centaines de petits ballons, et cela sans qu’elle n’ait décidé de quoi que ce soit, alors que la droite restait posée là, pesant lourdement.
Puis tout son corps fut emporté. Elle survolait des champs devenus un patchwork de verts, suivait le ruban argenté d’une route qui croisait le cyan d’un fleuve. L’horizon s’élargissait ; le temps était mort et l’espace perdait ses dimensions.
Elle était l’air.
Le mal était resté dans la faille, qui s’était refermée sur elle-même. Elle l’imaginait tombant jusqu’au noyau terrestre où il brûlait.
Elle était l’air et le resta toute la journée, en se disant qu’il faudrait absolument recommencer cette expérience.
Arthémisia © décembre 2014
Avec : Marcel Duchamp, Disk Inscribed with Pun for Anemic Cinema, 1926