Pour répondre à l'appel du Fleuve de Juliette sur Papier libre...
Il parlait vrai, unique, d'une voix ample, troublante et habitée, et pourtant de laquelle le danger n'était pas
exclu. Ni la peur.
Il disait son enfance crachée entre deux pierres, dans l'anfractuosité grise d'une roche duale, perdue dans une
solitude mousseuse et timide. Il n'était alors qu'un murmure, celui d'une hésitation à sortir, celui de la larme qui suit la larme, mais que personne n'entend, surtout pas les
géants.
Et puis il y eut d'autres mots, plus rapprochés, plus charnus qui lui donnèrent un peu d'espace, celui caressant les
herbes des premiers temps, et celui de l'amour rose des libellules. C'était le printemps, la communion avec la Nature, faute de mieux.
Une pente s'amorça, raide et rapide. La parole roula des cailloux brutaux, se colora d'un sable
irritant puisé dans les profondeurs d'un temps rouge. Elle inaugura la rage, installant ses tripes en tourbillons pervers. Le mot portait son poids, cognait et repartait encore pour faire place à
un autre, aussi rempli de force. Il fallait dire. Il fallait faire du bruit, exister. La vie le demandait.
Cela fit
mal.
Mais le chemin s'élargit soudain, prit de la profondeur, une pente plus douce. Le fleuve trouvait sa place,
accueillait des hommes, des luttes, des caresses, des amours. Il parla moins, plus calmement, écouta.
Il gardait cependant quelques voluptés intestines, quelques refus de domestication, quelques gros mots rebelles,
quelques nébuleux remous internes de honte, caché dans les roseaux. On l'entendait parfois crier la nuit.
Aujourd'hui, il coule effrontément offert à la nature, magistralement ouvert à la caresse de l'air, à la chaleur du
ciel d'été, à la douceur des algues blondes de la rencontre.
Il a rendez- vous avec la mer. Pour chanter.
Copyright © Arthémisia - août 2008
Avec : Pierino da Vinci – Le Fleuve et trois enfants