1503 - Big Sur – Sea … la mer à grands fracas.
Une de mes lectures d'été..
Beatnik désenchanté, Jack KEROUAC, à peine caché sous les traits de son héros alcoolique et drogué Jack DULUOZ, fait une tentative de ressourcement dans une cabane solitaire que lui prête un ami sur la plage de Big Sur en Californie ; mais l’impuissance, l’horreur, et la mort le poursuivent. Il se rend compte que la folie le gagne.
Le long poème « Sea » est la retranscription finale sur les 24 dernières pages du recueil de sa perception des bruits de la mer.
Un magistral écho de toutes les douleurs du monde…
En voici un extrait en français (p. 301-302).
J’ai essayé de recopier le plus fidèlement possible la ponctuation et l’orthographe si importantes dans ce texte.
Vous pourrez le trouver en VO intégrale là …Il m’est impossible de le copier en entier ici ; OB le trouve trop long.
.../...
« La mer m’a emporté
Elle m’a crié : " Va vers ce que tu désires ! "
─ Remontant en courant la vallée,
Elle ajoute dans une clameur ultime
─ " Et ris !" »
La mer elle-même ne peut m’empêcher de transcrire
les mots que je lirai quand je deviendrai vieux
─ Voici la carte des formes brèves
mer la plus brève de toutes ─ Chiche-toi ──
Après m’avoir effrayé ainsi, Mer,
Je vais excorier ton bouge ─ tes
algues iodées et tes cercles de fange ──
Relents du goémon creux même quand il est séché ──
── tu pues de partout
Bououm ─ Essaie cela, glisse─
la petite barque de pêche de Monterey
redescend vers le port en glissant, encore 15 milles
pour rentrer faire frire le poisson et boire la bière ──
Il suit sur la mer le trajet des oiseaux
── Argent à jamais perdu
── du ciel bleu des ponts humains
au massif nuage qui s’entasse au milieu de la mer ── jusqu’au gris ──
Certains garçons appellent ça bleu canonnière
ou gris, mais pour moi
c’est la Guerre Civile des Rois
── Les Rois deviennent air, les rois deviennent eau.
et roc ──
Kara tariva, muache grande bache
── pooch l’abas ── crooouch
l’a haut ── Plache au pied
P i i i i i ── Rolle test boulles ─
Manche d’la rache ──
Le Roi joli l’emporte
sur la tête de l’oiseau qui chante ──
« Crache des idées ¹» , crache tes idées
me dit la mer, à moi, très
à propos ──
…/…
1 – En français dans le texte
21 August 1960
Pacific Ocean at Big Sur
California
Big Sur - Jack KEROUAC
Edition Gallimard - olio -1993
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« Il ne faut pas se demander ce que veut dire un texte.
Il faut se demander ce que peut dire un texte. »
Emmanuel LEVINAS
cité par Daniel MESGUICH dans le 7/9 du dimanche 3 avril 2011 sur France Inter
Avec : une plage à Big Sur - Californie
1502 - Le Geai
La mer avait été douce, qui chuchotait là.
Etait-ce la mer, ou ta main?
Etait-ce le vent, page de pulpe salée ?
Elle s’était couchée presque sur le ventre, ramenant une jambe par-dessus la masse enroulée de la couette.
Elle se refusait à ouvrir les yeux.
Elle accueillait l’ombre du silence.
Il fut cassé par le ruban d’une voiture qui vint s’élargir rouge, jusque sous la fenêtre, pour repartir s’affiner à l’extrême vers l’infini.
Alors la boule étouffée d’un train roula contre une bordure du temps.
Un grattement court et sec habita la cheminée.
Puis, tout s’éteint de nouveau.
Elle pouvait palper son souffle jusque dans son âme. Il sentait la pomme.
Elle tendit son bras droit sur la fraîcheur de l’oreiller vide, la paume vers le plafond.
Son ventre lui dit un mot d’amour.
Le fantôme d’une voile rose passa devant ses yeux. Lentement. Il avait le goût des embruns.
Tu n’étais pas là.
Tu ne seras plus jamais là.
Elle serra la couette contre son ventre.
Un geai cria.
Elle n’aura plus jamais froid.
© Arthémisia – 08/2011
Avec : Jeune femme à l’antique au geai – Charles CRES
Huile sur toile – 65.5 x 46 cm
1501 - Le Nescafé ®
Vous m’aviez dit « on se verra pendant les vacances »… « je t’appellerai, on ira prendre un café ensemble ».
Vous n’avez pas appelé.
Tant pis.
Nous nous reverrons la semaine prochaine. Je pense que nous n’aurons rien à nous dire. Pendant dix mois.
J’ai du Nescafé ® dans mon casier.
© Arthémisia -08/2011
Avec : Nature morte avec tasses, café et sucrier - Maurice de VLAMINCK
1500 - Le Temps retrouvé¹
Regarde !
Regarde la fleur blanche.
Son âme d’or survivra aux yeux de gelée mauve, aux têtes de poissons éteints avant que de mourir, aux bouches qui, imperméables aux histoires du dessous, ne citent que les idées coureuses.
Son âme d’or survivra aux reines sans peau et sans rêve, aux semeurs de plomb vert et de vent gelé.
Son âme ténébreuse court déjà dans son tunnel vers le temps retrouvé ¹, le jardin blanc.
© Arthémisia – 08/2011
¹ - Titre de l’exposition Cy TWOMBLY photographe & artistes invités
Collection LAMBERT
5, rue Violette
84000 Avignon
Jusqu’au 2 octobre 2011
Avec : Le Temps retrouvé © Arthémisia – 07/2011
aquarelle, encre et liquide mystérieux
d’après une photo de Cy TWOMBLY
1499 - Thank you, Maman!
Je ne sais pas mentir.
Ma parole doit être une tuerie?
Tu la refuses. Non, par son sens mais par son être même : elle est.
Tu lui préférerais le silence.
Mon histoire ne doit pas être la tienne. Elle te montre trop. Comment puis-je gérer cela ?
Il va falloir que j’apprenne ce qui fait le face à face avec soi-même, l’effet miroir, les histoires entre soi et soi. Me taire.
L’expression est mon deuil.
Il va falloir l’oublier.
Comme ça tu pourras vraiment m’oublier. A moins que tu ne dises une fois de plus que c’est moi qui t’oublie.
© Arthémisia – 08/2011
Avec : Mère - Joaquim SOROLLA – huile sur toile – 1909 – 125x169 cm
Musée SOROLLA - Madrid
1498 - A l'origine
Réentendue dimanche matin dans cette version sur France Inter. La version CD est beaucoup plus ...édulcorée.
"...à l'origine on n'était pas des otages..."
En prévision du billet de demain...si j'arrive à le publier.
1497 - Nous peignons
Il nous faut être dans les images, dans l’image.
L’image n’est autre qu’une forme de possession, d’un présent, d’une présence, celle de l’acteur de la peinture, de son producteur, la portion encrée dans un fantasme devenu écran, le plan réservé de l’artiste, à l’artiste, le paradoxe du limité, du cadré, du retenu dans la vastitude du forclos qui ne sera pas matérialisé, clos, réservé, retenu.
Quand les choses se font sans nous, quand nous sommes enfermés à l’extérieur, nous trébuchons. Nos genoux écorchés pleurent un sang salé, bleu comme le passé de la mer.
Alors nous peignons. Il nous faut peindre. Pour essayer de tout sauver. De nous sauver.
© Arthémisia – 08/2011
Avec : Olivier DEBRE peignant le rideau de scène de l’Opéra de Shangaï - photo © Marc DEVILLE
1496 - So poudrage. (Hommage à William Seward BURROUGHS)
Ici le ciel est aussi fin que du papier ¹.
Aux acides la nuit a caillé, floculant en écailles autour du lit cendré.
Les pieds posés se grisent doucement.
Poudrage.
C’est Là-Haut qu’il faut regarder.
© Arthémisia - 08/2011
¹ William BURROUGHS – in Les Cités de la nuit écarlate
Avec : Toile brûlée – Christian JACCARD - 2005
1495 - L'Acte
Comme suite à un échange avec Nina
PADILHA sur le billet d'hier
J'écris n'importe quoi, toi, moi.
Pour tuer ma voix. Car il ne faut pas illustrer ; il faut montrer.
Je suis dans l’acte d’écrire et non dans l’idée d’écrire : c’est là que commence l’écriture.
(Je plagie en écrivant cela ce que dit Jean DEGOTTEX de sa peinture…et je ne vois pas pourquoi cela serait différent)
© Arthémisia – 08/2011
Avec : ETC IV.30.3.1967 - DEGOTTEX Jean - Encre de Chine sur toile
30 mars 1967 – Musée d’Art Moderne de la ville de Paris
Photo © Arthémisia – 07/2009