Comment aimer celle qui ne m’a jamais aimée ?
Tu as toujours voulu que je sois comme toi, que je pense comme toi, que je te choisisse, que j’aime
ta froideur, tes jugements, tes rudesses, tes éternelles insatisfactions, que j’abonde dans ton sens, que je me complaise dans tes douleurs. Que donnais-tu ? Que donnes-tu encore
aujourd’hui ? J’ai beau chercher, je ne trouve rien. Il me semble que tu es passée à côté de l’essentiel, à côté du bonheur, parce que tu ne sais pas le manque et soudain
–miracle !- le plaisir. Parce que tu ne vis que dans la frustration, quelque chose que tu entretiens et qui te porte sur un piédestal devant lequel je devrais me courber. Ce que tu es loin,
Maman…
Je crois qu’un enfant ça a besoin de sourires, de rires, de farces, de fantaisies, de joie. Il me
fallait un ogre dans mon conte. Il était un ogre. Il dévorait tout à pleine bouche, en tous sens. Toute sa vie.
Il m’a aimé lui. Avec lui fut mon meilleur. Surement mon ami.
C'est avec lui que j'ai appris le goût des choses.
Evidemment ça fait des jalousies.
Personne jamais ne le remplacera. Je le sais très bien.
Les cotillons sont rangés au fond du tiroir. A côté des pinceaux et des caresses.
La plage est vide.
La fête est finie. Ca fait déjà douze ans.
Quand on perd son père, est-ce possible de perdre sa vie ?
Copyright © Arthémisia – Août 10
Avec : Père et fille - Zhang
XIAOGANG, huile sur toile – Série Bloodline - 120 x 150 cm, 2006/07, Fu Ruide Collection
(notez la fine ligne rouge qui court entre les 2 personnages, métaphore des liens du sang)