182 - Débordement*
Soudain son pied frémit, effrayé par on ne sait quelle peur intérieure.
Ses doits s’enfoncent dans le lit, grattent les plis du drap,
s’acharnent, fouillent les alentours en quête d’ancrage, pénètrent le dos, les fesses, griffent, lacèrent.
Sa main traverse l’air violemment et retombe pour mieux se jeter de
nouveau sur le tissu, la peau.
Puis elle se tourne vers le ciel, ouverte, offerte, grenade
éclatée au soleil, vulve.
Ses jambes s’écartent, se resserrent, arquant leur compas dans des
degrés divers rapidement changeants, en une trigonométrie agitée, spasmodique, effrénée, fouettant le plan du lit.
Elle a fermé les yeux. Y grouillent des cadeaux, des possessions, des
remplissages, des plénitudes, des ivresses, des nuits de plein soleil.
Elle soulève ses reins, creusée, pliée sur son plaisir, empalée sur son
ventre, assise sur ses tremblements. Elle se cherche, se trouve, s’atteint, se découvre, se recouvre de tous ses muscles, de toutes ses chairs, de tous ses viscères. Elle se
possède.
Elle provoque l’air. Ses seins précédent ses poumons, affolent son
buste, en tous sens. Elle gobe son histoire.
Elle s’appuie sur les coudes, sur les mains, tend sa poitrine hors
d’elle. Elle a soif d’impalpable.
Elle voudrait parler, crier peut-être. Elle lèche sa bouche, la mord.
Aucun son n’arrive à s’en extraire. Juste un halètement rapide.
Ses jambes se raidissent convulsivement.
Son ventre piaffe.
Ses mains se retiennent, où elles
peuvent.
Elle miaule.
Elle se soumet. Elle accepte l’autorité de sa
jouissance.
Elle tombe, se plie, se replie, s’enroule autour d’elle-même,
enserre son ventre dans la coquille de son corps.
Ses yeux débordent.
Copyright © Arthémisia
Illustration : Max ERNST – Le jardin de la France
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