386 - Jardinage
J’ai ouvert la porte de notre chambre.
Je nous ai vus.
Au sol reposait, calme, l’ombre trouble de nos peaux blondes.
Du lit chiffonné suintaient des étoiles aromatiques et poivrées, dégoulinant en
coulées d’or sur le carrelage rouge.
Des lucioles égarées s’échappaient de ton œil, et ton esprit – oui, je l’ai
vu !- semblait habité par un temps suspendu et immortel.
Autour de toi, deux lianes en faction surveillaient tes ressauts.
Amoureusement.
En leur mitan, fleurissaient d’humides mystères rouges, de la race de ceux qu’on ne
comprend jamais. A quoi bon ? Leur secret n’est connu que du ventre des femmes. Et des tombes…
Ma main accompagnait la jungle de tes reins sans la domestiquer, et ma bouche
s’habituait à rendre les armes au pied des murailles de ton vouloir.
Le plaisir dansait, frénétiquement et encore doux, cependant. Unitif, il coconnait
nos chairs dans un lacis de murmures poudrés au creux des boucles. Les tiennes, de bakélite, rampaient sur les roses épidermes qui se couvraient à leur contact d’embruns nacrés et de frissons et
les miennes, plus claires, allumaient un soleil au milieu de ta nuit.
L’air respirait le mot, le cri, le halètement, et sa couleur abandonna
progressivement les glacis transparents du rêve, pour se construire, plan après plan, en aplats épais et denses, issus d’une réalité prégnante et tactile oscillant entre peinture et
sculpture.
De Staël n’était pas loin.
Dans l’embrasure d’un rideau, abdiquait la nuit. Le jour
germait.
Notre musique devint jardinière.
Copyright © Arthémisia - juin 2007
Illustration : Bleu-Virus
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