1626 - Epluchage
Puisqu’ils ont accumulé trop de peurs, de douleurs, de saleté, il faudra probablement éplucher nos yeux, prendre le couteau le plus affûté et éliminer cette peau fine qui les fait tant souffrir, les pique, les torture jusque dans leur sommeil.
Il faudra prendre bien soin d’enfermer les morceaux retirés dans des contenants hermétiques, inviolables, dans lesquels ils ne pourront germer. Juste s’asphyxier. J’ignore où nous pourrons les stocker. En orbite peut-être, histoire de filer la métaphore.
Il faudra alors nourrir ces yeux nus tels nourrissons au sortir de leur mère, les nourrir de ce qu’ils ne pouvaient plus voir, ce qu’ils avaient perdu, ce qui renforcera leurs cristaux de lumière pour les faire briller comme des pierres précieuses, ce qui emporte les mondes au-delà des écorces brûlées, des terres desséchées et des armes brisées.
Peut-être d’un brin d’herbe, d’une coquille nacrée, d’un mot écrit dans l’air, d’une caresse qui dure, ou de chairs accouplées ?
De Beau?
© Arthémisia – mai 2012
Avec : Portrait de Madame Survage – Amedeo MODIGLIANI