Je me laisse souvent tenter par des lectures conseillées par des amis. C’est encore le cas ici pour
ce
Ô, Verlaine de Jean TEULE (Edt. Pocket)
Bien sur, comme la plupart d’entre nous, j’ai appris quelques poésies de VERLAINE sur les bancs de la
communale, et en ai d’ailleurs gardé quelques belles traces en mémoire. Les fameux sanglots des violons de l’automne ont marqués mes cours de français et
d’histoire…
Bien sur, par la suite, j’ai lu et même acheté quelques uns de ses
recueils, ses Poèmes saturniens, Sagesse et Liturgies
intimes, les Chansons pour
elle…
J’ai même trouvé et bien sur gardé, son Oeuvre poétique
complète de chez la Pléiade dans une poubelle. Oui, oui…vous avez bien lu…dans une poubelle. Vous vous étonnez que je fasse les poubelles ?
Moi je m’étonne qu’on jette (encore) Verlaine à la poubelle…
En fait, en me plongeant dans ce Ô Verlaine je me suis aperçue combien ce « déviant » faisait partie de
ma bibliothèque « précieuse », non par la qualité bibliophilique des éditions que je possède, mais parce que j’ai toujours pris plaisir à le lire. Il est de ces « petites »
choses, qui nous paraissent anodines, et qui pourtant ont une place importante dans notre vie et ce, sans que nous nous en rendions vraiment compte sauf à mettre le doigt dessus. Et ce doigt,
c’est Jean TEULE qui m’a permis de le mettre.
Résultat : une révolte.
Pourquoi laisser mourir VERLAINE d’une telle façon ?
TEULE, à travers le regard d’un jeune provincial fanatique de VERLAINE, nous raconte la fin de sa
vie, sans pudeur, sans faux semblant, décrivant avec moult détails affligeants, grotesques et sordides, l’irrespect absolu du poète pour quelque norme que ce soit, son rapport terrible
d’addiction avec la fée verte –l’absinthe-, sa débauche sexuelle, sa détresse affective, et sa déchéance physique poignante.
Tout cela dans une ambiance parisienne admirablement imagée, où tournoient les étudiants libertaires et
libertins en goguette, les politicards, les artistes crève-la-faim, les critiques assassins (et assassinés…), les anarchistes, les décadents, les cocotes de luxe et les prostituées les plus
viles, le luxe outrancier et la pire pauvreté, le raffinement le plus fou et la saleté la plus crue.
Et VERLAINE dans tout ça ? Il est à l’image de cette société, fin de siècle, riche, terriblement
riche de sa poésie qui sort bouillonnante de sa pensée perturbée (TEULE en insère avec bonheur des poèmes régulièrement dans son roman), mais aussi tellement animal dans son corps,
tellement humain dans ses besoins, dans ses excès non maîtrisés. Et c’est justement en nous faisant voyager dans cette dualité que TEULE nous rend son héros si attachant, car VERLAINE n’est
qu’oscillation entre l’abject le plus total et la splendeur du verbe.
Du coup, pour parfaire ma pauvre culture, j’ai couru m’acheter les
Poèmes érotiques du maître.
Bien sur à ne pas mettre entre toutes les mains…
La crudité n’est jamais épargnée, mais sous la fange, reste toujours le goût du plaisir vrai. Cru, oui,
mais jamais vulgaire ; cru mais pas sale ; cru mais aimant ; cru mais amant.
Non, comme Jean TEULE se plait à nous le rappeler par la phrase même de
VERLAINE :
« Le petit bonhomme n’est pas mort. »
La liberté d’écriture et de ton de VERLAINE, nous impose de le laisser en vie, de le sortir un peu plus
souvent de nos bibliothèques et surtout de ne pas le jeter à la poubelle!
Copyright © Arthémisia - mars 2007
Merci souvienstoi pour cette
passionnante idée de lecture.
avec: dessin de l'Assiette au beurre de
1907