858 - Elle s'habille de noir
Elle s'habille de noir.
Le noir est une couleur. Mille couleurs.
A commencer par celles des tombeaux et des ventres. Celles des profondeurs, des abysses, des trous, des écroulements, des écoulements, des chaos.
Celles des cendres mouillées par les larmes, des gris malades, des souillures. Celles des cris de la terre et des hommes, de leurs fers, de leur mal.
Le noir est une couleur sans sagesse. Elle se déploie dans l’ombre, ruse, et tombe lourdement. Elle est mots. Elle est encre. Mots et mots encore, ceux qu’on ne peut entendre.
Car le noir est une couleur bavarde, pertinente et d’impact. Qu’elle soit pâte crouteuse, aplat lisse et brillant, ou jus sale. Bouillon d’onze heures. Plomb. Elle tombe. Toujours.
Déraisonnablement,
monstrueusement.
Le noir est intrépide, casse gueule, rude.
Le noir est une naissance, une présence, un être nocturne enrubanné de folie, un charbon ardent, un animal rampant. Et peut être une fourmi ? Une minuscule fourmi.
Car le noir sait être pauvre, modeste, invisible, mort, ou en voie de mourir. Le noir est suicidaire.
Et pourtant il se bat. Contre les autres couleurs. Quelle lutte ! Quel match ! Et quels applaudissements ! Car le noir fait le beau, l’espoir, le viol.
Le noir porte. Le noir emporte.
Le noir est vital : il accouche des printemps.
Copyright © Arthémisia - janvier 2009
Avec : Jean-Jacques HENNER - Portrait de Laura Leroux