1542 - Un Blog
Elle a laissé la maison, l’espace, le ballet possible, et le jardin aux fruits juteux.
Tant pis ! Elle a volé des graines. De belles de nuit, qu’elle a mises dans un pot. Mais est-ce que les belles de nuit fleurissent en pot dans les appartements sans terrasse?
Elle a laissé les petites cuillères en argent. Les assiettes de chez Raynaud, les verres de Daum.
De toute façon elle n’aurait pas la place pour les ranger : elle a laissé l’armoire, le buffet, la table ronde et les 6 chaises. Ils ne rentraient pas dans ses 60m².
Pas grave : elle a gagné une ménagère en aluminium à la Redoute en achetant une paire de draps, parce que les autres aussi sont restés là-bas.
Elle a laissé le lit de chez Grange en fer forgé. Elle dort sur le vieux matelas, celui de trente trois ans. Un par vertèbre. Même les sacrées. Elles le lui rappellent.
Elle a laissé son nom. Quoi qu'il en soit, elle l’avait perdu depuis longtemps. Il n’est pas rattrapable. Sauf à y laisser sa vie. Je veux dire sa survie : il faut se remplir le ventre.
C’est con quand même : c’est drôlement symbolique. Et il y a des symboles qui pèsent plus que le plomb.
Elle a laissé ses enfants. Ils sont grands. Ils vivent leur vie avant de pouvoir la vivre ailleurs. Ils sont là, quand même, derrière la cicatrice qu’ils ont tracée au milieu de son ventre. Elle les entend parfois crier « Maman ». Alors elle les caresse.
Elle a juste emporté les livres, les tableaux, les pinceaux. Ils étaient tous à elle. Ce n’est pas que ce soit vraiment rassurant mais ça occupe l’œil. Et l’âme.
Pour le blog, c’est peut-être juste un peu pareil.
© Arthémisia – nov 2011
Avec : dessin piqué là