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"Je ne peux vivre de données
générales.
Personne n'a rien de commun avec moi. Et d'ailleurs je ne veux rien
de commun avec les autres." *
Ce n'est pas une question d'affect. Ni de
désamour.
Ce n'est pas une question de
désociabilisation.
C'est plutôt une question de silence, de recueillement, de retour
à moi, de retrait. En moi. Des retrouvailles...
Appelez ça une démarche analytique si vous voulez ; une
sauvegarde instinctive me parait un terme plus approprié.
Car j'ai de plus en plus de mal à me dessiner avec les mêmes crayons,
les mêmes couleurs et surtout sur le même papier que ces autres. Ce papier là :
-
«C'est vrai: ils l'ont dit à la télé.
»
-
« Le film a dépassé les 20 millions de spectateurs; c'est qu'il
est bon ! »
-
« C'est joli ! »
-
« Tu as vraiment le look d'une prof d'Arts Plastiques.
»
-
« T'es pas sur Face book ? »
Moi, ma nuit n'est pas finie. Mon rêve n'est pas fini. Je l'entends se
tortiller outrageusement dans ma tête, dans mon ventre, dans mon sexe.
Mes étoiles ne sont pas télévisuelles, de carton pâte, et de
paillettes. Ce sont celles de Keats, de Baudelaire. Celles de là-haut.
Le bleu de mon ciel est celui des jours qui passent, un coup lavande,
un coup layette, un coup prussien. Et un coup gris. Ce n'est pas un bleu de lagon, copié-collé d'une éternelle satisfaction née sur les rives d'un sourire bien
appris.
Et mes nuages ne sont pas en coton, légers et aseptisés. Ils
pleuvent.
J'emmer... le modèle ! Je ne carrefourre pas, je ne
positive pas. Je tangente. Je sors du cercle.
Depuis quelques temps grandit en moi le doute d'une poursuite
personnelle. Comme une envie de non-envie : plus de blog, plus d'amis, du silence, même pas les oiseaux, rien qu'une espèce d'hébétude, de nihilisme.
Peut être devrais-je fumer un joint ! Il parait que ça met dans un état
particulier d'absence/présence à soi-même.
Ou me faire nonne. Là, j'avoue, il y a du
boulot !
Aujourd'hui mais hier aussi déjà, et même avant encore, sont des jours
de boyaux tordus, de raclures de palettes, de pourritures. Des jours sales. Des jours d'arrières cours, de banlieues bétonnées, de flaques de boue qui fermentent, de
vomissures.
Ce sont des jours d'aigreurs, de tags vert fluo, de « prends
ça dans la gueule ».
Des jours de faux amis.
Oui, ceux avec lesquels je riais mais qui en fait n'aimaient
en moi que l'image que je leur renvoyais d'eux-mêmes. Un idéal formaté auquel je ne dois plus correspondre. Vous savez bien : Sois belle et surtout tais toi !
Tais toi et surtout....sois belle....
La Beauté, à mon âge, n'est plus qu'un mythe, et ...la parole, la seule
chose qui reste, s'épuise sous les lazzis. Ou pire dans le vide.
Respire, ça va passer.
Les amis, ils ne sont plus dans l'accompagnement - le compagnonnage-
mais dans le déni du nous. Enfin de moi. Tant qu'à faire ! J'encombre.
Ceux qui pour me faire du bien, me plantent bien gentiment un
poignard dans le dos. Bien joli ce poignard, affuté à l'excès. Ca rentre tout seul. Une vraie jouissance. De traitre.
Et puis ceux qui me le plantent dans le cœur, leurs yeux dans les
miens. Face à face.
Je ne veux pas oublier non plus ceux qui tournent la page sans même
dire au revoir. La page que je voudrais déchirer. Mais elle est en plomb. A moi de vivre avec sa lourdeur.
Il est difficile devant une si grande cruauté, de garder confiance en
soi. Merci les gars ! Vous avez été top ! Merci ! Merci !
Après tout, c'est peut-être de ma faute ? Je n'avais qu'à pas vous embrasser, me jeter dans vos bras.
Yves NAVARRE dans je ne sais plus quel livre disait que la vie n'est
qu'une histoire entre soi et soi. Il faut que je te relise, Yves.
Eux ...(à part...)
...C'est sûr, elle a un grain.
Cette fille, elle ne fait rien
Comme toi et moi.
Là où tu prends le pinceau,
Elle met les doigts
Et quand tu fais le dos rond
Elle sort de ses gongs.
Et ... (tout haut)
Tu n'vas pas nous refaire ton
cinéma...
T'as mal où
?
C'est là, au milieu, entre le cœur et le ventre. Ca doit être là, le lieu du sensible, celui qui ne supporte
pas, plus, tant écorché qu'il est.
Je me fais peur. Je ne veux pas me
faire honte.
Et je me fais honte quand même devant mon impudeur. C'est tellement
plus dégueulasse de montrer son cœur que de montrer ses fesses. Des fesses, ça fait rire ou bander. Un cœur, ça fait chier...
Mais qui prier ? Et où ?
Peut-être plus ici...
Je réfléchis. A un ailleurs.
Vous savez où c'est mieux,
vous ?
Et toi, l'ami, tu sais
où c'est mieux ?
Arthi
Ps : j'ai toutefois une pensée pleine de tendresse pour mes quelques amis qui sont dans l'authenticité, la complicité, la détresse, la solitude, la maladie et qui savent
combien je crois en leur exceptionnelle vérité. Je les embrasse parce que je ne peux malheureusement pas faire grand-chose d'autre.
*Marguerite DURAS - Cahiers de guerre
Copyright © Arthémisia - mars 2009