665 - Laisse moi faire*
Laisse moi faire.
Laisse moi t'écarter.
Derrière la porte blanche de ta chemise ouverte,
Je veux venir écouter ta cadence,
Le tambour répété qui sourd sous ta peau nue,
Et son tempo de flammes, vives, à l'approche du rouge.
Je veux boire son trop plein, ses coups, ses emballements.
Je t'y entends déjà tramer ton sang, à grands coups de furie.
Serais tu africain ou bien frappeur du Bronx ?
Laisse moi faire.
Je suis là pour glisser les doigts derrière le rideau pur,
Les tremper au brûlant de ton pectoral vair,
Courir dans ta moisson,
Échapper à ma pulpe pour retrouver ta peau,
L'appeau de la caresse,
La liesse de tes flots.
Tes blés sont murs ; je suis femme de Van Gogh
Et je te repeindrai à grandes touches,
A pleines mains,
Et tu seras mon plus beau !
Laisse moi faire.
Aux lucarnes d'albâtre, mon œil dans ton ocre,
Je le jette sans remords,
Le brûle au bronze, au cuivre, à l'or des épidermes,
L'enrobe de soleil,
Et le damne à ton feu.
Ton pigment m'ensorcelle :
J'ai ta poudre plein les yeux.
Laisse moi faire.
Je suis venue ressourcer mes narines à tes algues
Retenues en coton sagement repassé,
Au varech puissant, aux iodures de tes bras,
Au sable, au vent, au rocher rose de ta côte de miel,
Au voyage en sommeil des frottements fleuris,
Aux parfums de ton ventre,
A tes seins en balanes.
Laisse moi faire.
Je suis là.
Je suis venue tracer la ligne de blessure
Qui descend de ton cœur vers tes batailles d'aube,
La suivre de ma langue, Petit Poucet gourmand,
Et découvrir enfin le cadeau flamboyant
De ton arbre en courroux éclaboussant ma vie.
Laisse toi faire.
Copyright © Arthémisia - mai 2008
Avec: Fresque de Pompéi
664 - Léonides
Es tu ma femme ? Ma femme faite pour atteindre la rencontre du présent. L'hypnose du phénix convoite ta jeunesse. La pierre des heures l'investit de son lierre.
Es tu ma femme ? L'an du vent où guerroie un vieux nuage donne naissance à la rose, à la rose de
violence.
Ma femme faite pour atteindre la rencontre du
présent.
Le combat s'éloigne et nous laisse un cœur d'abeille sur nos terres, l'ombre éveillée, le pain naïf. La veillée file lentement vers l'immunité de la Fête.
Ma femme faite pour atteindre la rencontre du présent.
René CHAR
Avec : Mark BRUSSE - Original Stone
663 - C'était l'été
Après des déboires informatiques,
Juliette nous propose sur Papier libre de nous laisser inspirer
par la photo de cette petite maison de Saint CADO ...un nom prédestiné... dans le Morbihan.
Le pêcheur de rêve m'a prise dans sa main. Je l'emplissais parfaitement.
La marée montait. Vite. Il fallait rentrer.
Fermer les volets bleus du soir. Après le
dernier regard vers là-bas.
Il avait faim.
Nous avions faim.
Dans la petite maison du bout du monde, la petite maison aux volets bleus, nous nous sommes enfermés, et nous avons mangé tout ce que la mer nous offrait.
Sur la table, nos corps brillaient.
Plus que les vagues dehors.
C'était l'été.
Copyright © Arthémisia - mai 2008
662 - Les Mots de la fêlure*
La nuit s'obture.
Quatre fois revint le
murmure
Quatre fois le mot débouche,
Embouche, se couche.
L'oreille tremble et peut-être s'effarouche,
Et pourtant elle capture
Le trait qui tient villégiature.
Quatre fois sur un souffle
Le cœur cintre sa voussure
Sous l'orale maroufle
Du verbe de moirure.
Quatre fois on aime, c'est sûr.
Mais que devient la fêlure
Au -delà des diaprures
Et de la peinturlure ?
...Elle se donne toute mûre
Elle se donne toute mûre.
Copyright © Arthémisia - mai 2008
Avec : Alberto GIACOMETTI - Boule suspendue
661 - Présence
Nous est.
Avec : cep de vigne - Copyright © Arthémisia – mai 2008
660 - C'est un comble!
Chaque nuit apporte encore ton regard dans mon ventre.
En creux.
Et la plus folle urgence me le fait combler des premières plumes qui passent.
Alors je gribouille trois mots bleus, et,
j'enferme à double tour mon oreiller entre
mes bras serrés.
Serrés.
Copyright © Arthémisia - mai 2008
Avec : Plume de geai - Collection personnelle
659 - Intimes grattages
J'écris des marginalia*(1) en général au crayon à papier.
J'utilise tous les espaces vierges des livres pour y écrire des notes de lecture mais aussi des textes qui n'ont rien à voir avec ce qui y est typographié.
J'écris petit, pitoyable, sans place. Je n'habite pas, n'ai pas de place, vis dans l'étroit. Je n'ai pas de sens ; parfois de haut en bas, parfois horizontale, je penche, tombe, décline en toutes directions. Je fais moche, misérable, étriqué, peut être émouvant.
Et parfois, je l'avoue, je vais pire : je palimpseste *(2). En vert, en bleu, en rouge - c'est le top, le rouge ! - oui, oui ! au stylo bille ou même au feutre, j'écris par-dessus le texte.
Et là, je vole, j'occupe, je pirate, je m'empare, je squatte, je m'installe, m'étale voluptueusement. Je fais grand, grandiose, large et même grandiloquent.
(Ne craignez rien...je ne fais pas ça dans mes Pléiades, ni dans les livres auxquels je tiens pour des milliers de raisons.)
Et le pire c'est que je gratte... sous la couette...
*(1) J'ai volé le mot marginalia à Edgar POE, qui en a fait le titre d'un de ses livres.
*(2) Le mot palimpseste vient du grec « qu'on gratte pour écrire de nouveau ».
Copyright © Arthémisia - mai 2008
Illustration : Pierre ALECHINSKY - Table réservée.
658 - Tu
Tu es beau comme le hasard et la nécessité
(inspiré par B. là)
Illustration : René MAGRITTE - L'Invention de la vie
657 - Le Rendez - vous rouge*
C'est le premier jour.
Celui de l'histoire qui oblige l'humide à se
raconter,
La rencontre des bouches.
C'est l'histoire d'un frôlement
De plus en plus appuyé
Que le temps
fait grandir, en écartèlement,
En écroulement,
En écoulement.
L'histoire d'une fleur mutante,
D'un fruit indéhiscent
Niché dans la mousse blonde
Qu'une
indécente cueillette offre à la rivière.
C'est l'histoire d'un creux
Léché et pourléché,
Inondé.
Cela parle de voyages
De grottes en orifices,
De cavités trempées,
De jus
recomposés.
C'est l'histoire d'une pivoine
Aux pétales tombés.
C'est une histoire de larmes,
De salive, étalées,
Et d'un rendez vous rouge
Dans un
ventre allumé.
Copyright © Arthémisia - mai 2008
Illustration : Pétales de pivoines - Copyright © Arthémisia - mai 2008